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« Il faut sauver Pandora »  de l’écrivain Ferdinand FARARA, un autre regard pour mieux comprendre le mythe de pandore

Le décryptage de l’œuvre Il faut sauver Pandora de l’écrivain togolais Ferdinand Farara renvoie le lecteur au personnage Pandora de la mythologie grecque. Sans l’ombre d’un doute. Déjà, à la lecture de l’intitulé sur la première de couverture, nombre de questions commencent par tarauder l’esprit du lecteur : Qui est Pandora ?  Dans quel état se trouve-t-il ou-t-elle ? Pourquoi a-t-il ou-t-elle besoin de rescousse ?

Le titre du roman fait brandir une référence mythologique : Pandora. Pandora fait allusion au mythe de Pandore. Pandora est la première femme « humaine », façonnée dans l’argile par Héphaïstos et animée par la déesse Athéna. Zeus offrit la main de Pandore à Epiméthée. Bien qu’il eût promis à Prométhée de refuser les cadeaux venant de Zeus, Epiméthée accepta Pandora. Celle-ci apporta dans ses bagages une boîte mystérieuse que Zeus lui interdit d’ouvrir.

Pandora par curiosité s’entêta en ouvrant cette boîte qui contenait tous les maux de l’humanité notamment la vieillesse, la maladie, la guerre, la famine, la misère, la folie, le vice, la tromperie et bien d’autres maux ainsi qu’un bien très important au fond de la jarre : l’espérance. Elle voulut refermer la boîte pour les retenir ; hélas il était trop tard. Seule l’espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée. 

Sous la plume de FARARA, dans cette œuvre, Pandora, personnage de la mythologie grecque, prend la forme d’une ville. Cette ville est à l’image de la boîte que Pandora ouvrit par curiosité. Elle est pleine de maux et vices. L’usage de l’anthroponyme éwé « Anyigbadzézo » pour désigner le roi de Pandora rend compte de la férocité de la ville que ce roi pourrait bien gouverner. « Anyigba » qui signifie « terre » et « dzézo » qui veut dire chaud, donne déjà une idée au lecteur de ce que pourrait bien être Pandora : elle est une cité chaude, dangereuse, vicieuse, féroce et malicieuse. On voit dans ce milieu qui prête de cadre à une partie du récit du roman se multiplier des actes immoraux, insensés et de vandalisme : on vole le porte-monnaie du prêtre Abbé Cham qui venait juste d’arriver là pour sa mission sacerdotale, on y voit des groupes au sein desquels : « ça buvait, ça fumait, ça chiquait, ça reniflait des poudres »P.154, des bandes de justiciers qui sèment la terreur dans une impunité totale, des armes qui se brandissent et circulent de partout, des menaces envers les hommes de Dieu, les lieux de commercialisation du sexe, une fille de joie (Joviale) qui veut séduire à tout prix et mettre dans son lit l’homme de Dieu, des soulèvements armés contre le pouvoir, des individus qui n’ont aucune crainte de Dieu (Navis, Djandjou et leurs suppôts) . L’écrivain assimile cette ville à une « jungle » où règne la loi du talion, à une sorte de « merdier » où tous les coups sont permis. La mise en scène des personnages pathologiques, belliqueux dotés d’une psychologie déconcertante, en est une parfaite illustration : Navis et Djandjou. Navis est un personnage qui souffre d’une pathologie qualifiée de « syndrome de bâtard », qui est mégalomane, qui a réussi par coucher avec la femme de son père, qui a tenté d’assassiner le mari de sa mère qui l’hébergeait après sa fuite de Pandora. Il évolue de « vandalisme en vandalisme et dans une impunité totale ». Il en est de même pour son suppôt Djandjou qui a une « bouche qui ne porte pas caleçon »P.172, « diplômé de la faculté mixte de kpakpato et de lèguèdè à l’université nationale de renseignement Ragotpointcom » et qui menait en toute liberté des affaires illicites de drogue et d’armes. Plus loin, il sera arrêté par la police, ce qui sera à la source d’une émeute fatale pour la société « pandoraise ». De plus, l’usage de l’expression latine « carpe diem » d’Horace deux fois dans la narration insinue que les citoyens « pandorais » cherchent à cueillir et à jouir du présent sans se soucier de demain, de la génération à venir. Pandora regorge tous les maux et vices à l’instar de la boîte de Pandore. L’apocope du mot « Sodome » en « sodo »,   la syncope du mot « Gomorrhe » en « Ghore » et la chute de la consonne « h » « Gore » a permis à l’écrivain de construire le toponyme « Sodogore » qui désigne une rue de Pandora qui s’anime jusqu’à l’aube. Par ce jeu de mots, le romancier rapproche Pandora à la ville de Sodome et Gomorrhe de la tradition judéo-chrétienne « à cause de toutes sortes de perversités qu’on y rencontre »P180. « Presque tous se plaignent des plaies de Pandora : des lesbiennes et des gays, la circulation de la drogue, du règne de la loi de la jungle, de toutes sortes de vandalisme et crimes impunis. »  

Pour répondre à la question : qui est Pandora dans l’œuvre du frère marianiste ? L’on peut aisément dire qu’en particulier il s’agit de toute personne en mauvais état, qui est dans de mauvais draps et qui a besoin de secours et en général de nos sociétés actuelles qui sont gangrenées par de maux et vices gravissimes. Dans nos sociétés actuelles, tous les coups semblent être permis, les méchants agissent en toute désinvolture, évoluent de vandalisme en vandalisme avec impunité comme le personnage de Navis. C’est justement cela qui rend la vie féroce à ce XXIème, siècle dit de mondialisation. Il y a donc urgence que l’on agisse. C’est justement ce qui justifie l’emploi de l’impératif renforcé par le point d’exclamation dans l’intitulé du roman : « Il faut sauver Pandora ! ». C’est-à-dire qu’il faut impérativement agir pour changer les choses et sauver le monde qui est en voie de perdition. C’est par là, une exhortation urgente que l’écrivain fait aux hommes de son temps. Ainsi donc, le monde a besoin que les bons et optimistes hommes agissent en toute urgence pour venir à son secours à l’image de l’Abbé Chaminade qui a pu sauver Pandora de ses plaies. Cette réponse, induit directement une nouvelle question : Qui doit sauver Pandora, nos sociétés en incendie ? Celui à qui revient cette urgente tâche, c’est : toi le lecteur qui me lit. Toi l’enseignant qui est dans une salle en train de délivrer la jeunesse de l’ignorance. Toi le pasteur ou l’Imam qui prêche à l’église ou à la mosquée. Toi le jeune étudiant qui fait tes études et mène tes recherches. Toi le commerçant qui vend au marché. Toi le policier ou le gendarme dans ta mission de protection du peuple. Toi le coiffeur…. Bref, ce sont tous les hommes. Les hommes qui ne doivent pas cesser de faire du bien, de garder espoir que tout ira bien, de redonner espoir à la jeunesse, de prendre la vie du bon côté, d’être optimistes à l’image de l’Abbé Cham. Tout le monde doit lutter contre le mal, bien exécuter sa mission pour laquelle il a opté. C’est de ces hommes que nos sociétés ont besoin.  C’est cet idéal homme qui peut sauver Pandora en détresse. 

Pour pallier aux maux dont souffrent nos sociétés, il faut redonner espoir à la jeunesse, reconnaître ses efforts et prouesses, être optimiste et confiant que la jeunesse bien qu’elle soit perverse peut encore faire quelques choses, de bien. Il faut la racheter plutôt que de la délaisser. C’est justement raison pour laquelle Tarsis dans sa lettre reconnait les efforts de la jeunesse. Il refuse le fait que les gens soutiennent populairement que les jeunes ne lisent plus. Il reconnait leur effort en ce sens. Il reconnait que la jeunesse actuelle est remplie de capacité et de créativité. Il reconnait leur caractère courageux. Pour l’écrivain à travers la voix de son personnage Tarsis, il croit que la jeunesse peut « changer le monde, le relever, (qu’elle peut) faire la différence entre le monde qui (lui) a été légué et celui (qu’il lèguera) aux générations d’après (elle) »P.110. La plume « fararienne » est une plume optimiste. C’est par optimisme que l’Abbé Cham a pu redorer le blason à Pandora. A la différence de Pandora qui n’a pas eu le courage de rouvrir sa boîte pour laisser échapper l’espérance pour guérir les maux, l’écrivain pense qu’il faut espérer et croire que nos sociétés peuvent changer. Il faut être optimiste. L’optimisme doit être le crédo des hommes de notre temps. Si le mal a persisté à Pandora c’est parce que les prêtres qui y étaient envoyés n’ont pas eu le courage de continuer la lutte. Nos sociétés souffrent parce que les hommes de bonne volonté ont cessé d’agir. Ils ont démissionné de leurs fonctions. Il faut, aux responsables de notre temps, l’optimisme et le courage d’Abbé Cham pour « sauver Pandora ». Pour une vie meilleure. Pour une société harmonieuse.

Malgré les dangers que cet abbé courrait dans les dessous de Pandora même parfois au prix de sa vie, malgré les menaces des bandes de voyous, malgré les humiliations de toutes sortes qu’il a eu, malgré les tentatives de Joviale à lui mettre dans son lit, il n’a pas lâché prise. Il n’a pas trébuché. Il n’a pas désespéré. Il n’a pas démissionné. C’est en cela qu’on est un homme au sens plein du terme. C’est en cela qu’on est un véritable homme de Dieu.

C’est ce que nous enseigne ce roman d’éducation du frère marianiste Ferdinand. Cette vision qu’il a de la jeunesse est en parfaite adéquation avec sa mission sacerdotale.

Bien que l’on identifie les vestiges du mythe de Pandore dans le roman de FARARA, cela n’empêche pas de relever quelques innovations scripturaires dans l’écriture de l’écrivain. 

FAMBI Kokou Isaac, écrivain romancier,

président du Club Littéraire de l’Université de Kara.

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